10/12/2021 La collection d'oeuvres d'art
Œuvre Tandem à Orly : entretien avec l’artiste VHILS et l’architecte François Tamisier
Pour la gare Aéroport d’Orly, l’artiste portugais VHILS et l’architecte français François Tamisier œuvrent en Tandem.
Entretien croisé sur une rencontre artistique
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
VHILS : Créer de l’art pour un endroit où les gens se rencontrent est un projet rêvé. L’idée de nouer un dialogue entre la construction et l’art m’a vraiment séduit. Je suis issu du monde du street art. J’ai commencé par le graffiti et j’ai été exposé à un grand nombre de créations (graffitis, fresques murales, panneaux d’affichages). Sur chaque mur, j’ai remarqué qu’il y avait plusieurs couches superposées et j’ai alors commencé à réfléchir sur le passage du temps dans l’espace public : pourquoi ne pas faire le contraire et enlever ces couches, tel un archéologue ? Il y a près de cinq ans, j’ai commencé à développer cette technique de bas-relief qui consiste à sculpter des œuvres dans les murs. Pour ce projet, j’ai été encore plus loin en travaillant le béton. Ce matériau, très puissant et fonctionnel, peut prendre des tas de formes.
Il existe un lien qui unit le mouvement et les transports et les humains et les villes dans lesquels ils vivent : pour moi, c’est une progression naturelle.
Comment avez-vous collaboré ?
François Tamisier : En termes de processus, la structure du bâtiment imposait certaines contraintes techniques, et nous avons dû constamment adapter la forme de l’œuvre d’art initialement prévue. J’ai guidé VHILS concernant les aspects techniques, afin de maximiser sa créativité.
Depuis sa création, comment s’est développé le projet ? Comment a-t-il évolué ?
François Tamisier : Le projet a été conçu comme une réinterprétation des fresques qui habillent généralement l’entrée des aéroports et accueillent des millions de voyageurs. Dans cette optique, plusieurs discussions ont permis de désigner l’artiste le mieux placé pour accueillir les visiteurs dans notre capitale. VHILS a fait l’unanimité. Street artiste portugais de renom, ses œuvres sont célèbres dans le monde entier et sa popularité repose sur son approche humaniste des villes et de leurs populations hétéroclites. Depuis ce choix, nous avons activement développé un plan concernant les interactions entre le bâtiment et l’œuvre d’art.
VHILS : Mon œuvre est encore en cours de réalisation, mais l’idée centrale est la connexion.
Je réalise une œuvre en 3D, qui évoluera avec la lumière du jour ; les reliefs vont projeter des images différentes, des ombres. Certaines parties se verront surtout d’en haut, d’autres d’en bas. Le public se déplacera autour de l’œuvre, elle sera donc dynamique et changera en fonction des perspectives. La façon de la voir dépendra de la position du public, du moment de la journée, de la luminosité.
À ce stade, nous affinons certains détails, et espérons que d’ici la fin de l’année, nous aurons les dernières images. C’est vraiment un gros travail.
François Tamisier : L’œuvre de VHILS fusionnera des représentations de Paris et des hommes, et un savant jeu d’angles et de perspectives : les passagers verront parfois un paysage urbain ou des visages en fonction de l’endroit de la gare.
Quels sont les principales motivations de ce projet ? Quel est le but de cette collaboration ?
François Tamisier : Nous cherchons à explorer le lien qui unit l’aéroport, le tissu urbain et la vie citadine. Plutôt que de commander une œuvre d’art qui décore simplement l’édifice, nous voulions qu’elle fasse partie intégrante de sa structure. Elle sera juste au cœur des flux de passagers et fera de l’aéroport une porte d’entrée vers la capitale, grâce à l’extension de la ligne Grand Paris Express.
Quels sont les principaux défis et comment les relevez-vous ?
François Tamisier : Créer une œuvre d’art à cette échelle prendra toute une année. Dans son atelier de Lisbonne, VHILS coule et moule le béton, couche après couche. Une fois terminée, les deux pièces qui composent l’œuvre seront expédiées à Paris. Bien évidemment, étant essentiellement construite en béton, elle sera très lourde, près de 139 tonnes. La manipuler en toute sécurité est une difficulté sur laquelle nous travaillons actuellement avec des ingénieurs.
L’intégration de l’art a-t-elle influencé la conception architecturale ?
VHILS : Je n’irais pas jusqu’à dire que ma participation a changé l’architecture - des adaptations ont été faites des deux côtés. Néanmoins, en général, les artistes sont invités une fois le bâtiment terminé. Pouvoir participer dès le tout début du projet est vraiment unique : cela ouvre le champ des possibles pour connecter art et architecture. On aura l’impression que le bâtiment a été construit pour l’œuvre d’art et inversement.
François Tamisier : En collaborant jusqu’à maintenant, nous avons identifié l’endroit idéal où installer l’œuvre dans la gare pour un accueil optimal, plutôt que de commander une œuvre pour un endroit précis. La différence est subtile mais suppose que l’œuvre est au cœur même de la structure du bâtiment et qu’elle initie un dialogue avec les passagers du monde entier.
Entretien réalisé par Ardian, mécène de 2 œuvres tandems du Grand Paris Express : celle de la gare Aéroport d’Orly par VHILS et François Tamisier et celle de l’architecte franco-brésilienne Elisabeth de Portzamparc et l’artiste danois Jeppe Hein en gare du Bourget.
La Société du Grand Paris a souhaité que chacune des gares du nouveau métro soit le lieu de rencontre entre un geste architectural et un projet artistique singulier, et construire ainsi une grande collection pluridisciplinaire d’œuvres pérennes.
Cette aventure artistique et humaine existe grâce à l'engagement des mécènes du Fonds de dotation du Grand Paris Express qui ont souhaité apporter leur concours à cette démarche. Ardian fait partie des soutiens de la première heure.
Créer de l’art pour un endroit où les gens se rencontrent est un projet rêvé. L’idée de nouer un dialogue entre la construction et l’art m’a vraiment séduit.
La beauté de ce projet réside dans la cocréation d’une œuvre d’art par le biais d’un dialogue constant. A l’heure où je vous parle, la forme finale n’a pas encore été arrêtée car elle continue d’évoluer .